Jim Walker : La marche est-elle la première des mobilités urbaines ?


Considérant les limites de nos capacités décisionnelles et attentionnelles, toute question de changement nous exige d’envisager d’abord les problématiques structurelles, et non de remettre toute la responsabilité sur les individus.

 

D’abord, il faut que les individus aient les moyens de changer leurs habitudes.

 

En ce qui concerne la mobilité, le changement passe avant tout par de vrais investissements sur les infrastructures de transport en commun. Le changement nécessite un accroissement de l’accessibilité et la fiabilité de l’offre des transports en commun, surtout pour les personnes habitant dans des zones résidentielles ou isolées où l’usage de la voiture est nécessaire.

 

Il ne suffit pas de vouloir pour pouvoir, il faut d’abord pouvoir changer. Une fois que nous disposons des moyens de changer, nous pouvons repenser les normes explicites, comme les modèles dissuasifs de tarification routière (péages, places de stationnement), ou l’augmentation des tarifs de l’essence pour les véhicules particuliers.

 

Après cette étape, nous pouvons nous interroger sur le changement des normes implicites qui gouvernent les motivations des individus. Comme nous sommes des êtres conformistes, nous sommes influencés par tout ce qui relève du statut social. La volonté d’utiliser les transports en commun doit donc devenir une norme implicite à laquelle nous adhérons collectivement. Pour cela, nous pouvons nous appuyer entre autres sur de nouveaux récits que les média sociaux et d’influence peuvent faire circuler.

 

Dès lors qu’on peut et que l'on veut, on passe au troisième niveau de difficulté : la barrière de connaissance. Celle-ci renvoie à notre biais de disponibilité, qui désigne notre tendance à privilégier ou à surestimer les informations qui sont immédiatement disponibles. Par exemple, nous avons tendance à nous rappeler d’un rendez-vous raté en raison d’un bus qui n’est pas passé, plutôt que de penser à toutes les fois où le bus était ponctuel. Il faut penser une communication qui rendra disponible un aspect positif et attractif des transports en commun dans nos cerveaux (ponctualité, propreté, fonctionnalité) tout en mettant en exergue l’aspect négatif des véhicules particuliers (coût, stationnement, pannes). Il faut également combler les lacunes en matière d’informations environnementales afin de les rendre plus accessibles aux individus.

 

Enfin, nous devons faire face aux barrières cognitives qui régulent nos limites attentionnelles et décisionnelles. En raison de nos ressources attentionnelles limitées, nous nous attachons à nos habitudes par le biais du statu quo. Pour contrer ce biais et encourager le changement comportemental, nous devons choisir le bon moment pour inciter les individus à changer. Ce sont les périodes de transition qui ouvrent une fenêtre d’opportunité pour accompagner de nouvelles habitudes.

  • Samah  Karaki
    Samah Karaki
    Fondatrice et directrice du Social Brain Institute
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