Edito

Logistique

Comment concilier et articuler transports de personnes et transports de marchandises ?

  • Anne-Marie Idrac

    Anne-Marie Idrac

    Présidente de France Logistique et de SANEF

21 Mars 2024

La mobilité des marchandises — la logistique — est apparue bien plus récemment que celle des passagers dans les débats publics ; elle reste encore un angle mort tant de la recherche que des actions politiques.

Pourtant, la pandémie de Covid-19 a révélé l’importance cruciale de l’acheminement des produits de toutes sortes. Le besoin de rendre résilients nos approvisionnements est accentué par les crises géopolitiques et climatiques. Ces approvisionnements passent par des chaînes logistiques souvent complexes, allant du global au local. Il est important de souligner qu'elles articulent les lieux de stockage et les transports. C'est pourquoi il est nécessaire de considérer ensemble les politiques d'aménagement des territoires et d'urbanisme, à toutes les échelles, ainsi que celles relatives aux différents modes de transport.

La compétitivité et la décarbonation de la logistique sont étroitement liées, car l'optimisation de l'utilisation des ressources (kilomètres, mètres carrés et cubes, énergie, ressources humaines…) est au cœur des métiers des professionnels concernés.

D’une part, cela recouvre le bon maillage des entrepôts, au plus près des lieux de production et de consommation, pour réduire les distances de transport et les empreintes foncières. D’autre part, cela concerne le verdissement des flottes, aujourd’hui essentiellement routières et diesel, pour minimiser leur impact énergétique.

Plusieurs concepts bien connus de The Mobility Sphere pour la mobilité des personnes sont également applicables à celles des marchandises :
D’abord, nous pouvons noter la massification des flux. Il est évident que l'utilisation des trains de fret devrait être développée lorsque cela est possible et pertinent, c'est-à-dire pour des trajets de centaines de tonnes sur de longues distances. En ce qui concerne les camions, qui jouent un rôle similaire à celui des bus pour les marchandises, leur taux de remplissage augmente souvent grâce à la mutualisation des commandes des clients.

Ensuite, la diversité des solutions selon les besoins est une caractéristique phare de ces deux types de mobilité. C’est ainsi qu’en sens opposé à la massification, le développement de la cyclo-logistique est bien adapté à certaines configurations de livraisons de faibles poids et distances. De même, pour les entrepôts, il faut distinguer entre ceux nécessaires pour l’import-export, pour l’amont et l’aval des activités de production, ou pour les diverses formes de distribution et de commerce.

La multimodalité est également un concept qui prend toute son ampleur dans ces deux contextes. Que ce soit pour les transports ferroviaires ou fluviaux, la multimodalité est évidente puisque ces modes de transport ne peuvent satisfaire l’ensemble des besoins mais nécessitent des relais pour apporter les marchandises jusqu’aux destinations finales : magasins et restaurants, usines et chantiers, particuliers… La disponibilité de foncier est indispensable pour aménager des lieux d’organisation de ces intermodalités.

Enfin, la transversalité des approches nécessaires pour la logistique urbaine s'étend, par exemple, des règles de circulation et de stationnement aux documents d’urbanisme permettant l’implantation de lieux de stockage et de livraisons appropriés.

Pour l'avenir, les tendances à la réindustrialisation et à l'économie circulaire pourraient accroître les besoins en services logistiques sur nos territoires européens. C'est d'autant plus une raison d'organiser et de planifier, dans le temps et dans l'espace, des trajectoires de décarbonation de la filière elle-même, mais également de la gestion de leurs flux par les donneurs d'ordres, notamment industriels. Ainsi, afin de s’adapter à la dynamique changeante de la mobilité et de la logistique, il est nécessaire de développer des approches concertées entre les secteurs public et privé.