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Quels sont les enjeux en terme de mobilité de la région sud ?

23 Avril 2025

Jean-Pierre Serrus - Vice-Président Transports et Mobilité Durable chez Région Sud, Maire de La Roque-d’Anthéron.

La région Sud : 5 millions d’habitants, six départements, une franche côtière plutôt très peuplée et puis région plutôt montagneuse et des zones périurbaines, voire rurales, donc une très forte diversité. Quatre métropoles : celle de Nice-Côte d’Azur, celle de Toulon Provence Méditerranée, celle d’Aix-Marseille Provence et celle d’Avignon. Des enjeux climatiques importants : nous sommes en hotspot du changement climatique. Et puis pour en citer une 4e, nous organiserons les Jeux Olympiques d’hiver en 2030, candidature commune avec Auvergne-Rhône-Alpes, les Alpes françaises. En tout cas, nos trois départements sont concernés, avec en particulier le pôle de Nice où auront lieu les épreuves de glace et le pôle de Briançon avec Serre Chevalier et Montgenèvre pour des épreuves de ski.

Elle est essentielle. On passe finalement d’une mobilité essentiellement axée sur la voiture individuelle et sur une approche individuelle des déplacements, pour des raisons de transition écologique mais également de qualité de vie et de développement des activités, notamment de l’économie. Nous devons assez rapidement – dans la décennie en tout cas, c’est l’objectif que nous nous fixons avec l’exécutif de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur – finalement passer à une mobilité basée sur l’intermodalité. Le matin, bon, on peut être à pied ou à vélo, dans la journée en autocar ou en covoiturage, et puis le soir retrouver son vélo ou sa marche à pied, et peut-être entre-temps être passé d’un territoire à un autre avec un train ou avec une ligne express régionale.

Donc c’est cette intermodalité qui, évidemment, va être le secret de la réussite de tous les challenges que nous nous sommes lancés, avec les enjeux que j’ai rappelés. Et évidemment, au centre de tout ça, il y aura les pôles d’échange multimodaux. Il faut qu’évidemment toutes ces modalités connectent également le système d’information de billettique pour pouvoir accompagner, assister celles et ceux qui ont à se déplacer.

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Quels sont les principaux enseignements de votre étude « La France habitée » ?

  • Jacques Lévy

    Jacques Lévy

    Géographe, titulaire du prix Vautrin Lud

11 Avril 2025

Les deux principales choses que nous avons découvertes, c'est d'abord qu'il y avait deux mots qu'on croyait des synonymes qui ne le sont pas : "résident" et "habitant". Résidence, c'est ce que mesure classiquement les recensements. On imagine que les gens restent sur place à leur domicile pendant 5 ans, ce qui évidemment n'est pas le cas. Et donc le fait de pouvoir savoir où sont les gens à tout moment et avec une grande finesse dans la granularité des zones qu'on mesure, eh bien nous permet de voir qu'il y a des grosses différences, parce que donc il y a des gens qui ne restent pas là où ils résident, et puis il y a des gens qui viennent d'ailleurs dans les zones où certains résident. Donc c'est une autre carte en fait, c'est une autre géographie que nous avons peu à peu construite.

Et puis l'autre découverte, c'est que, inversement, deux choses qu'on pensait très différentes - le séjour et la mobilité - eh bien on s'aperçoit que c'est la même chose. C'est un peu les deux faces d'une même médaille. C'est la même chose qu'on mesure sous un angle différent, parce que nous avons l'occasion - bien sûr qu'on aurait pu le faire avant ces données, mais ces données nous donnent l'occasion - de rompre avec le mythe selon lequel on serait quelque part, on serait enraciné comme une plante, disait Norbert Elias, et que de temps en temps on bougerait pour aller dans un autre lieu.

En fait, ce n’est pas comme ça que ça se passe. On vient toujours de quelque part, on va toujours quelque part, et entre les deux on est relativement fixe. D'ailleurs, on n'est jamais totalement fixe, mais enfin on est un peu plus fixe, et c'est ce qu'on appelle un séjour. Et donc cette dialectique séjour-mobilité, qui était pensée autrefois comme deux réalités distinctes, c'est plutôt une manière de penser la vie quotidienne de nos contemporains.

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Comment gérer le plan de mobilité pour le HOKA UTMB Mont-Blanc ?

10 Avril 2025

Michel Poletti - Coureur et fondateur de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB)

On a une triple particularité. D'une part, on a plusieurs types de population qui nécessitent de se déplacer. Ça peut être nos coureurs, mais aussi les accompagnants des coureurs, les supporters, les bénévoles, également toute l'organisation, et ça sur des territoires très vastes qui peuvent couvrir plusieurs départements et sur des durées longues - les événements durent plusieurs jours.

Et donc en ce qui nous concerne, les défis auxquels on doit faire face : réussir à faire venir l'ensemble de ces populations de la manière la plus douce possible sur des territoires qui sont souvent exigus. Et une fois que tous ces gens sont arrivés, réussir à les faire se déplacer pour que chacun puisse aller là où il doit aller dans de bonnes conditions et sans déranger, sans congestionner le trafic routier.

C'est tous ensemble que l'on doit faire preuve de beaucoup de pédagogie. D'abord pour expliquer qu'il faut accepter de se déplacer de manière différente, et progressivement donc mettre en place à la fois des politiques publiques, mais aussi des plans de transport privés. Dans le cas qui nous concerne, nous, organisateurs d'événements, mettre en place des solutions de mobilité collective et qui permettent de se développer dans le respect de l'environnement naturel. Et ça passera aussi, malheureusement je pense, par des contraintes qu'il faut apporter par rapport à l'utilisation des véhicules individuels. On ne peut pas, dans les territoires de montagne aujourd'hui, rester avec les habitudes qu'on a tous prises depuis des décennies.

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Quels sont les grands défis de la mobilité pour la région Grand Est ?

09 Avril 2025

David Valence - Ancien député, Président de la commission Transports, Mobilités et Infrastructures du conse.il régional du Grand Est

L'un des besoins très forts qu'on a, c'est de créer du lien entre les espaces métropolitains au sens large et leurs différentes couronnes. Alors, c'est vrai qu'aujourd'hui on a souvent une offre de transport public qui est très dense dans le cœur des villes et parfois dans les quelques communes qui sont situées alentour, mais les données qui sont présentées par Geonexio nous invitent à densifier les liaisons entre les villes moyennes et les métropoles, mais aussi entre la seconde couronne et le cœur des métropoles, et parfois vers la première couronne quand beaucoup d'emplois y sont implantés. Et donc c'est vraiment une invitation à tenir compte de la diversité de l'espace français.

Ce qu'on voit bien à travers les données qui sont rassemblées par Geonexio, c'est qu'il y a beaucoup à faire avec les infrastructures existantes, à la fois pour les entretenir, pour les mettre à niveau, pour en développer l'usage. Et moi, j'ai vu dans les outils proposés par Geonexio, j'ai vu aussi dans les commentaires, les analyses qui ont été proposées par Jean Coldefy et Jacques Lévy, une invitation à résister à la mythologie de l'infrastructure nouvelle. C'est vrai qu'en France on a toujours tendance, quand on parle d'infrastructure de mobilité, à s'imaginer qu'un grand projet va résoudre tous les problèmes. La vérité, c'est que : appuyons-nous d'abord sur le patrimoine d'infrastructure que nous avons. Il a un potentiel très fort, il correspond souvent aux besoins d'usage qu'on en a, et parfois, à trop consacrer de crédit public à des projets nouveaux, on ne voit pas qu'on a la capacité de faire mieux et plus sur les infrastructures qui existent, pour peu qu'elles soient en bon état et qu'on en développe la capacité.

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Comment Geonexio peut-il permettre une meilleure compréhension des mobilités dans les territoires ?

  • Jean Coldefy

    Jean Coldefy

    Ingénieur, Conseiller scientifique de Geonexio, Expert mobilité

08 Avril 2025

Les mobilités, dans le discours j’allais dire dominant, sont toujours abordées sous un problème de comportement. Effectivement, on a tous nos habitudes et nos comportements et nos représentations. Mais si vous voulez, si ça se résumait à du marketing et à faire comprendre aux gens comment ils devraient se déplacer, eh bien il y aurait longtemps, je pense, que le problème serait résolu. C’est quand même plus compliqué que ça.


Geonexio, ça veut dire territoire et connexion ou territoire et mobilité. Et donc les questions des localisations, notamment là où j’habite, là où je travaille, là où je me soigne, là où je me divertis, et cetera, sont très importantes. Évidemment, il y a des questions d’économie, de revenus, il y a des questions évidemment de mode de transport. Mais si vous voulez aborder les mobilités ou en tout cas les comprendre, ça nécessite de faire appel à la géographie, à l’économie, à la sociologie, à la psychologie. Et donc ce n’est pas uniquement une science du marketing, c’est par essence pluridisciplinaire parce que ce sont des problèmes de société.


Et c’est ce qu’on essaie de faire au travers de Geonexio, en rassemblant différents universitaires de différentes disciplines, avec différents aussi professionnels. Essayer de construire une compréhension pour pouvoir proposer des solutions qui répondent à cette triple exigence : de, évidemment, le carbone – la voiture, un des premiers postes aujourd’hui d’émission de la France et c’est le seul qui ne baisse pas ; la question de l’équité, de la justice ; et enfin la question de l’efficience puisqu’on est dans une grave crise des finances publiques.

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Pourquoi Geonexio est-il un outil de prise de décision ?

08 Avril 2025

Anne-Marie Idrac - Ancienne Ministre, Présidente de France Logistique.

C'est un outil extrêmement utile pour tous. Pourquoi ? Parce qu'il fait appel à l'intelligence collective, qui rentre en profondeur avec une maille territoriale très fine, avec des temporalités sur les déplacements également très fins, ce qui permet de saisir toutes les dimensions : l'économie, le climat, le social et aussi l'aménagement du territoire et l'urbanisme.

La planification des mobilités, elle doit partir des besoins. Et donc les besoins s'expriment de différentes manières, mais en particulier par les acteurs privés : les entreprises qui connaissent leurs clients comme Transdev, les industriels ou les exploitations agricoles qui emploient les salariés et qui connaissent les besoins horaires, et cetera, de ces salariés, les associations d'usagers. Donc il y a énormément d'acteurs qui peuvent venir éclairer les AOM, même si c'est à elles, évidemment, qu'appartient au final la décision.

Il y a beaucoup de leviers. Ils ont été d'ailleurs bien relatés dans la stratégie nationale bas carbone. Souvent, on pense aux véhicules électriques, certains pensent à l'hydrogène, le biogaz, et cetera, et cetera. Oui, c'est la partie émergée de l'iceberg, et il faut bien savoir que ce sont des investissements extrêmement coûteux. À l'autre bout du spectre de ces outils, eh bien, il y a l'aménagement du territoire et l'implantation des équipements, des activités, des logements. Alors évidemment, c'est long pour changer les mobilités, mais il faut toujours avoir ça en tête, parce qu'on peut ainsi réduire les distances.

Mais je dirais que le plus important, le plus intéressant, c'est de bien réfléchir en matière de mobilité au meilleur mode de transport par rapport aux besoins. Quand vous avez beaucoup de monde, et surtout sur des grandes distances, il faut des transports lourds en centaines de personnes. Quand on est en dizaines de personnes, c'est le terrain privilégié pour le bus ou pour les cars express, en particulier en périphérie. Et quand vous avez peu de monde, eh bien toutes les solutions de covoiturage seront intéressantes, ainsi bien sûr que le vélo et la marche.

Donc c'est une des raisons pour lesquelles l'outil est particulièrement intéressant : c'est qu'il permet aux AOM de bien comprendre quels sont les meilleurs outils pour aboutir à la décarbonation, avec le meilleur coût, pour le meilleur service aux différents types d'usagers.

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Quel rôle joue le décryptage des données dans l’amélioration de l’offre de transport ?

08 Avril 2025

Edouard Hénaut - Directeur Général France de Transdev.

L'objectif de Geonexio, c'est de rassembler finalement des acteurs qui n'ont pas forcément l'habitude de travailler ensemble, que ça soit les universitaires, les autorités organisatrices de mobilité, un opérateur comme Transdev, et finalement les usagers ou les utilisateurs demain. Donc avec cette démarche, on crée ce lien entre plusieurs mondes et on crée le lien sur les territoires. On a des plongées nationales, avec par exemple la France habitée, et on a des plongées directement au sein des territoires, des bassins de mobilité, des aires urbaines, pour analyser finement et dans le détail finalement la mobilité qui permettrait aux gens qui habitent plutôt dans les périphéries, dans les zones moins denses, de trouver leur compte en solution de mobilité et de développer des offres pour répondre à leurs besoins.


Quand on met un géographe, quand on met des chercheurs en sociologie autour d'une table pour parler sur un même sujet, on arrive à des choses qui sont bien plus pertinentes et qui sont en compréhension encore plus fine du territoire. Évidemment, les autorités organisatrices de mobilité, c'est-à-dire les collectivités, connaissent leur territoire par cœur, ont des intuitions. Donc on vient soit les perturber, ces intuitions, soit les conforter avec les données et donc avec tout le travail de Geonexio.


Un de nos enjeux principaux, c'est le report modal, c'est trouver des solutions de mobilité pour que les gens utilisent moins leur voiture. Donc c'est à la fois lutter contre le réchauffement climatique et créer une mobilité et une cohésion sociale et territoriale plus forte, et finalement être beaucoup plus inclusif. Donc c'est ça l'enjeu de tous ces travaux. Et l'enjeu de tous ces travaux, c'est créer la mobilité d'aujourd'hui, de demain, mieux comprendre pour mieux agir.

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Quelle est l’ambition de Geonexio ?

08 Avril 2025

Thierry Mallet - Président-directeur Général de Transdev.

L'ambition de Geonexio, c'est d'être un outil qui nous permet de mieux comprendre ce qui se passe sur chaque territoire, les enjeux de déplacement, les besoins des habitants afin de mieux les accompagner dans leur déplacement quotidien.


La première mission du transport public, c'est la cohésion sociale. C'est permettre à tout le monde de se déplacer, c'est permettre d'aller travailler, d'aller étudier, de se soigner, d'aller voir des amis. Le transport public joue un rôle essentiel dans les grandes villes : il permet effectivement de déplacer des grandes masses. Et en périphérie, il va permettre à des gens qui n'ont pas de véhicules, qui n'ont pas de transport propre, de continuer de se déplacer. Donc le premier rôle du transport public, c'est vraiment un rôle social, c'est ce rôle de cohésion sociale qui évite de laisser des gens au bord de la route. Et aujourd'hui en France, on sait que c'est une priorité puisque 25 % des Français sont amenés à refuser un emploi ou refuser une formation parce qu'ils n'ont pas les moyens de se rendre sur place pour pouvoir la suivre.


Aujourd'hui, la grande opportunité qui est devant nous, c'est la bonne utilisation des données disponibles, notamment les données qui sont fournies par les téléphones portables, qui nous permettent de savoir où le téléphone portable est, où les gens passent la nuit, où ils passent la journée. Ce qui va nous permettre, de manière beaucoup plus fine, de comprendre les besoins de déplacement et de concevoir des solutions adaptées à leurs besoins. Jusqu'à maintenant, on avait des enquêtes plus pluriannuelles qui nous permettaient d'avoir une vision extrêmement figée. Aujourd'hui, on a une vision dynamique, quasiment en temps réel, des besoins de déplacement, qui permet d'ailleurs de les quantifier de manière plus précise et d'avoir des solutions qui sont plus efficaces, à la fois en termes de transport mais aussi en terme économique.


L'enjeu, c'est de s'assurer que les solutions qu'on va déployer sont pour tous et partout, et il y a un vrai enjeu de passage à l'échelle. Et il n'est pas possible de passer à l'échelle sans avoir la vision globale de l'ensemble des déplacements, ce qui est aujourd'hui permis par une bonne utilisation des données disponibles.

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Les déplacements pendulaires interurbains et le potentiel de report modal

  • Anne Aguiléra, Benoit Conti, Sylvestre Duroudier, Florent Le Néchet (LVMT)

    Anne Aguiléra, Benoit Conti, Sylvestre Duroudier, Florent Le Néchet (LVMT)

    Laboratoire Ville Mobilité Transport

  • Jean Coldefy

    Jean Coldefy

    Ingénieur, Conseiller scientifique de Geonexio, Expert mobilité

03 Mars 2025

La décarbonation des transports, seul secteur dont les émissions n’ont pas baissé depuis 30 ans, est un défi majeur pour les années à venir. En France, près des deux-tiers des déplacements du quotidien sont effectués en voiture et jusqu’à 75 % pour les trajets domicile-travail. Ces derniers sont aussi, selon l’Insee, responsables du quart des émissions de gaz à effet de serre émis par les voitures des particuliers, et de 13 % de l’ensemble des émissions du secteur des transports.

Si les déplacements pendulaires sont principalement réalisés à l’intérieur du périmètre des villes (au sens des aires d’attraction définies par l’Insee), les flux interurbains connaissent une croissance notable. Plus de 3 millions de personnes (soit 10 % des actifs vivant en France) occupent désormais un emploi situé en dehors de leur aire d’attraction de résidence. C’est 50 % de plus qu’il y a vingt ans.


Portant sur une distance moyenne de 35 km, soit le double de la distance domicile-travail de l’ensemble des actifs, et réalisés dans plus de 90 % des cas en voiture, les déplacements pendulaires entre villes sont, selon l’Insee, responsables d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre de l’ensemble des trajets domicile-travail. Ils sont pourtant peu intégrés aux réflexions sur le report modal vers les transports collectifs (routiers ou ferrés). L’intra-urbain reste l’échelle de référence, y compris d’ailleurs en matière de collecte de données sur les mobilités, pour des raisons historiques et liées aux formes de gouvernance.


Dans le cadre d’un partenariat avec Transdev, le Laboratoire Villes Mobilités et Transport de l’Université Gustave Eiffel vient de publier un Atlas sur les trajets domicile-travail interurbains en France continentale. Basé sur les données du recensement de 2018, il permet de visualiser et caractériser ces flux aux échelles nationale et régionale, et de réfléchir aux conditions de leur report modal vers les transports collectifs. L’Atlas est plus spécifiquement concentré sur les villes comptant entre 50 000 et 700 000 habitants, qui sont l’origine ou la destination de 80 % de ces déplacements. Cet atlas présente les grands enseignements de l’étude au niveau national puis au niveau régional avec des cartographies et tableaux à chacun de ces échelles.

La carte ci-après indique au niveau national les liaisons les plus importantes, c’est-à-dire comptabilisant au moins 500 actifs (dans un sens).

Carte des déplacements pendulaires

Les échanges avec l’aire d’attraction de Paris, qui concernent environ 100 000 personnes, sont globalement atypiques. Les transports collectifs y sont souvent favorisés par la performance des liaisons ferroviaires, des distances élevées et des difficultés de circulation et de stationnement dans l’agglomération parisienne. Les échanges entre Paris et Reims sont emblématiques de cette situation : la moitié des actifs concernés vont au travail en transports collectifs.

Partout ailleurs, les déplacements pendulaires interurbains dessinent des systèmes urbains variés, parmi lesquels quelques figures typiques se dégagent : des étoiles autour de grandes villes (comme Rennes, qui échange beaucoup avec Vitré, Fougères et Saint-Malo) ou de villes de moindre taille (par exemple autour de Bourges), des systèmes multipolaires autour de Nantes, Angers, Cholet, La Roche-sur-Yon, des corridors (comme Nancy-Metz-Thionville), ou encore des échanges intenses entre deux villes de tailles proches (par exemple Pau et Tarbes, ou encore Belfort et Mulhouse). À une échelle communale, la dispersion spatiale des déplacements interurbains est importante et la part modale des transports collectifs, souvent faible, admet cependant des variations selon les liaisons, comme le montrent la carte et le tableau de synthèse de la région Occitanie.

Carte de synthèse région Occitanie
Tableau de synthèse région Occitanie

Diminuer l’usage de la voiture individuelle sur une partie des trajets interurbains apparaît souvent complexe, mais pas hors de portée. Deux principaux cas se présentent : le renforcement de l’usage de lignes de transport public existantes et la création de nouvelles lignes ou de services de covoiturage.

Certaines lignes de transports publics sont déjà relativement bien utilisées. C’est en particulier plus souvent le cas pour les liaisons entre deux communes-centres, vers les grandes villes, lorsque le temps de trajet par la route dépasse 45 minutes, ou encore lorsque la commune de résidence ou de travail est située à moins de 10 km d’une gare. Toutefois les marges de progression sont importantes : parmi les trajets intercommunaux supérieurs à 100 personnes, seulement 15 % concernent des liaisons où la part modale des transports collectifs est située entre 25 % et 75 %. Plusieurs pistes d’action sont envisageables. L’amélioration de l’offre existante (trains ou cars) par une adaptation des horaires, des fréquences et des tarifs aux mutations du travail comme le développement du télétravail. Cette politique de renforcement de l’offre fait surtout sens sur des liaisons vers des communes-centres (qui représentent la moitié des navettes interurbaines étudiées dans l’Atlas), caractérisées par des volumes d’actifs importants et pour lesquels les transports collectifs font déjà l’objet d’un usage significatif. Des politiques favorisant le rabattement vers les transports collectifs doivent également être envisagées, notamment dans le périurbain : pistes cyclables, local à vélo sécurisé, parking-relais avec stationnement gratuit ou à faible coût pour les usagers des transports collectifs.

Le second point (la création de nouvelles offres) se heurte à la dispersion des flux interurbains. La majorité des déplacements interurbains concernent, à l’origine ou à la destination, des communes de banlieue ou périurbaines : seuls 14 % relient deux communes-centres*, et 38 % connectent une commune de banlieue ou périurbaine avec une commune-centre. Par ailleurs, deux tiers des échanges concernent moins de 50 personnes. Sur ces trajets, la massification par le transport public n’est pas toujours possible. Malgré tout, de nombreuses liaisons interurbaines semblent propices à la création d’une offre de transports collectifs : celles où le volume d’actifs est important mais l’usage des transports collectifs très faible, voire inexistant. En particulier, la part des transports collectifs est inférieure à 25 % pour les deux tiers des 120 000 liaisons entre aires d’attraction empruntées par plus de 500 actifs. Compte-tenu de la dispersion spatiale des flux, des distances et des volumes en jeu, les cars express peuvent constituer une solution moins couteuse et rapide à déployer. Enfin, sur des liaisons concernant peu d’actifs et des distances intermédiaires (10 à 30 km, typiquement), organiser des services de covoiturage fait partie des options pertinentes.

 

52% des flux Domicile Travail vont vers les villes centres

52% des flux Domicile Travail vont vers les villes centres

Au-delà des dispositifs techniques de report modal, l’enjeu est aussi celui d’une meilleure articulation des politiques de transport aux échelles urbaine et régionale. Une plus grande utilisation des transports publics pour les mobilités interurbaines est un enjeu environnemental. C’est aussi un enjeu social important compte tenu des difficultés d’accès à l’emploi et au logement pour certaines catégories de population et des budgets mobilité élevés pour ces navetteurs eu égard aux distances parcourues.

*Ce qui représente 18 % des voyageurs-kilomètres des flux interurbains des villes moyennes.

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La France habitée : géographie de l’occupation des lieux et des mobilités

  • Jacques Lévy

    Jacques Lévy

    Géographe, titulaire du prix Vautrin Lud

  • Jean Coldefy

    Jean Coldefy

    Ingénieur, Conseiller scientifique de Geonexio, Expert mobilité

04 Février 2025

Comprendre les territoires

Comment sont occupés les lieux ? Cette question insolite est pourtant essentielle si l’on veut comprendre le fonctionnement des territoires. En effet, alors que nous parcourions en moyenne 4 km par jour en 1900, dans une société rurale où nous étions des fermiers peu mobiles, nous en faisons 40 km un siècle plus tard : les sociétés modernes sont des sociétés où la mobilité joue un rôle considérable.

Ainsi, si selon l’INSEE la population réside pour moitié en dehors des agglomérations et pour moitié dans les agglomérations, les mobilités conduisent à ce que les lieux soient occupés de manière bien différente de cette comptabilité de la résidence. C’est pourquoi l’INSEE identifie les liens entre le domicile et le travail et les traduit dans ce qui est appelée une aire d’attraction des villes. Cette aire est constituée de l’ensemble des communes qui rassemblent une unité cohérente des liens domicile/travail. Or en 2025 nous ne sommes plus au temps du métro-boulot-dodo où nos vies étaient organisées autour du seul travail.

Aujourd’hui, le temps disponible sur une vie est quatre fois plus important que le temps consacré au travail et aux études. Le travail est certes essentiel pour les 30 millions d’actifs, et compte pour la moitié des distances réalisées sur l’année ; mais cela signifie que 37 millions de personnes ne sont pas des actifs et que les autres activités pèsent l'autre moitié des distances parcourues ! Cette conjugaison d’un temps disponible très important et d’une grande mobilité impacte considérablement la manière dont nous occupons les lieux, dans l’espace mais aussi dans le temps. Un des objectifs du projet « La France habitée » porté par une équipe rassemblant le groupe Transdev (Jean Coldefy, Jorge Cabrera, Julien François, Maude Gadoud) et des universitaires (Jacques Lévy, Sébastien Piantoni, Stéphane Gallardo), cherche à comprendre le fonctionnement des territoires dans le temps et dans l'espace. Ceci en utilisant les données massives de téléphonie mobile mesurées à l’échelle de 50 000 zones IRIS* - ainsi qu'en étudiant la géographie spatiale et temporelle de l’occupation des lieux.

Les résultats sont inédits et saisissants.

* Une zone IRIS est une zone INSEE (Ilots Regroupés pour l'Information Statistique) correspondant à une commune en zones rurales et à une unité de 2000 personnes environ en zones urbaines (il y a 900 zones IRIS à Paris par exemple).

L’habitant.année : la mesure de base de l’occupation des lieux

Nous calculons un équivalent temps plein par zone IRIS, ce que nous appelons « l’habitant.année »,en additionnant les présences par pas de 30 minutes sur l’année. Pour illustrer ce que cela signifie, si je passe la moitié de mon temps à mon domicile et la moitié de mon temps à mon travail, je serai compté à 50% dans la zone de mon domicile et à 50% dans la zone de mon travail.

Le projet a ainsi permis d’identifier deux lieux. Des lieux où à l’année on compte plus d’habitants que de résidents, signe d’un lieu attractif. Et inversement des lieux moins attractifs comptant moins d’habitants que de résidents.Avec cette métrique, on constate que les grandes villes sont encore plus attractives que ce que l’on n’avait imaginé, avec par exemple 3.7 millions d’habitants.année identifiés à Paris, soit 1.5 millions de plus que la population résidente. Mais cela peut varier considérablement selon les territoires : les communes centres sont en général attractives, avec quelques exceptions, et à des degrés divers. Le périurbain est globalement attractif, battant en brèche une idée reçue, avec des situations très contrastées selon les aires urbaines.

Nous montrons que plus la taille de l’aire urbaine diminue, plus les écarts à la moyenne sont importants, tant pour la commune-centre que pour le périurbain. Nous montrons également que la « diagonale du vide » n’est en fait pas une diagonale. Elle se situe dans tous les interstices entre les aires d’attraction des villes, avec de très faible densité d’habitants.année. Enfin, des territoires globalement dans la moitié sud de la France et sur le littoral Ouest présentent les plus fortes attractivités du fait du tourisme avec parfois 4 fois plus d’habitants.année que de résidents. Les implications de ces constats sont importantes : par exemple on dimensionne des services non pas en fonction des seuls résidents mais des habitants, notamment des services publics, de mobilité, etc.

Carte habitants année
Carte index d'attractivité

Les rythmes de l’occupation des lieux : douze formes de clusters

Les travaux ont ensuite identifié comment ces habitants.années se répartissent dans le temps pour chacune des 50 000 zones IRIS. Nous avons analysé cette répartition par heure en distinguant deux mois contrastés, août et novembre. Pour chacun de ces mois, nous avons comparé les jours ouvrés, les samedis et les dimanches. Les zones ont été regroupées par des outils statistiques en douze groupes homogènes, que nous appelons des clusters. Trois points sont remarquables : 

  • La France urbaine compte 32 millions de résidents mais 43 millions d’habitants.année et compte pour la moitié des clusters de rythmes temporels. Plusieurs clusters sont caractéristiques des zones urbanisées : un cluster autre avec de fortes présences en novembre et un peu plus faible en août, quels que soient les jours et les heures, signe d’une diversité fonctionnelle des activités ; un cluster rythmé par le travail avec une forte présence aux heures travaillées les jours ouvrés de novembre et faible le reste du temps ; un cluster situé principalement en premières couronnes avec des présences fortes en novembre et faibles en août ; enfin, un autre où la présence est homogène et importante que l’on soit un jour ouvré, un samedi, un dimanche, d’août ou de novembre, l’attraction touristique y jouant un rôle important.
  • La quasi-totalité des zones se vident le matin signe d’un départ de son lieu de résidence vers d’autres lieux. La mobilité des 40 km en moyenne par habitant par jour trouve ici l’une de ses traductions les plus évidentes. Seule exception, une France exclusivement nocturne, très minoritaire, constituée de zones très peu fréquentées les heures ouvrées, que ce soit les jours d’août ou de novembre, qui seraient ainsi des zones « dortoirs », disséminées dans le grand périurbain dans l’ensemble de la France avec une concentration plus forte dans le Nord et l’Est du pays.
  • La France du temps libre et du travail apparait très clairement (rappelons que nous parlons des lieux et non des personnes). Les centres urbains et les banlieues concentrent massivement les présences les jours ouvrés de novembre, les zones touristiques des littoraux et des montagnes les jours des mois d’août et les zones périurbaines les week-ends. Ce constat est certes sans surprise. Mais il est pour la première fois cartographié précisément à l’échelle de 50 000 zones.

 

Se dessinent ensemble un ensemble de pulsations des territoires. Comme pour les habitants.années, connaitre les pulsations des territoires permet d’orienter les politiques publiques et organiser les services en considérant non seulement les habitants à l’année, mais selon les rythmes saisonniers, journaliers, horaires. Là aussi, les implications sont fortes.

Carte du temps et de l'espace
Carte de la vie au travail
Carte du grand tourisme

Les flux entre zones, pour construire des offres de mobilité en adéquation avec les besoins

Nous avons ensuite cartographié les flux au sein des aires urbaines et entre aires urbaines, en distinguant les jours ouvrés, les samedis, dimanches de novembre et août. Plusieurs faits saillants se dégagent : 

  • Les jours ouvrés de novembre, les flux convergent vers l’Ile-de-France et vers les métropoles régionales jusqu’à 1H30 de temps de parcours depuis leurs périphéries (périurbains et villes moyennes).
  • De grandes aires urbaines monocentriques, des soleils, sont sans surprise particulièrement visibles à l’instar de Bordeaux et Toulouse. On distingue également nettement les systèmes en sillons : Val de Loire, sillon lorrain, alsacien, Bretagne sud, Côte d’Azur, etc.
  • Le système nantais, constitué à l’Est d’Angers et au Sud de la Vendée, s'avère un exemple de polycentrisme remarquable par son étendue.
  • Enfin on identifie des aires urbaines fonctionnant en isolat avec peu d’échanges avec les autres villes.
  • Au sein des aires urbaines, les volumes d’échanges depuis le périurbain vers les métropoles sont impressionnants, dépassant très largement l’offre de transport public, d’un facteur moyen de 1 à 5, pouvant atteindre 15 pour plusieurs agglomérations

 

Ces traitements permettent d’identifier de manière automatique les pôles générateurs et émetteurs de déplacements, tâche particulièrement complexe jusqu’ici. Et avoir des analyses locales identifiant les communes et zones IRIS avec les plus forts kilomètres émis ou reçus. Cette métrique croisée avec les données de l’INSEE sur les revenus et la multi-motorisation, et l’offre de transport public permet de cibler géographiquement des offres adaptées pour les ménages à faibles revenus et pour les territoires émettant beaucoup de kilomètres. En effet, au-delà de la décongestion des villes, le transport public a un rôle social permettant à ceux n’ayant pas de voitures de se déplacer. Et environnemental, par un moindre usage de la voiture.

De manière plus générale ces travaux permettent de qualifier la demande et de construire des offres de mobilités en adéquation, alors que la voiture constitue le 1er poste d’émissions de CO2 aujourd’hui en France, et que nous sommes dans une crise durable des finances publiques.

Carte de déplacement en jours ouvrés - novembre 2023

Déplacements un jour ouvré de novembre 2023, > à 20 km et < à 200 km

Carte nombre de personnes par place TER entrantes dans le pôle urbain

Rapport entre le nombre de déplacements et les places disponibles en TER un jour ouvré de novembre 2023

Perspectives : évaluer finement les impacts des politiques publiques

L’usage de données massives, donc représentatives de la population, à des échelles au final suffisamment précises, constitue une vraie rupture dans la compréhension du fonctionnement des territoires et des mobilités. Elles viennent compléter les données du recensement ou d’enquêtes de mobilité locales. Elles permettront ainsi de reconstituer tous les flux des territoires. Il faut poursuivre ce travail d’analyse de l’occupation et de la mobilité qui ne sont en fait que deux facettes de la même réalité : la pulsation des territoires. Le croisement de ces analyses avec les données socio-économiques, de l’INSEE notamment, permettra d’expliquer ce que décrivent les données de téléphonie mobile. Ceci aidera en particulier à savoir comment la démographie, l’économie territoriale (résidentielle, sociale, tourisme, productive, etc.), la géographie des catégories socio-professionnelles, notamment, expliquent l’attractivité, les rythmes et les flux identifiés. Demain l’on pourra établir de véritables tableaux de bord territoriaux, permettant de construire finement des politiques publiques et les évaluer en termes d’impacts sociaux, écologiques, économiques. Les champs de développement sont immenses.

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Mobilités

Présentation de Geonexio

  • Jean Coldefy

    Jean Coldefy

    Ingénieur, Conseiller scientifique de Geonexio, Expert mobilité

03 Février 2025

Un think and do tank pour des mobilités décarbonées, justes et efficientes

« Si j’avais une heure pour résoudre un problème,

je prendrais 55 minutes à réfléchir au problème

et 5 minutes à penser aux solutions. »

Albert Einstein

Les mobilités sont une capacité fondamentale pour les ménages et les entreprises et en conséquence pour les territoires : sans mobilité pas de vie en société possible. Mais elles sont aussi au cœur de l’enjeu de la décarbonation de notre économie : la voiture représente 18 % des émissions du pays et c’est le seul secteur dont les émissions n’ont pas diminué depuis 1990. Tout se passe comme si les mesures proposées, l’électrification des véhicules, le report modal de la voiture vers des modes moins émetteurs de CO2 (le vélo et les transports publics), la réduction des kilomètres parcourus n’arrivaient pas à se déployer. Comment expliquer ce décalage entre le discours et les injonctions et les pratiques des Français ?

Equité Carbone Efficience 2

Avec un langage accessible à tout un chacun, la mobilité donne l’illusion de la simplicité. Or nous vivons dans un monde complexe. Notre conviction est que la mobilité ne se réduit en effet pas à un problème de moyens de transport ou de flux de déplacements. Les mobilités sont des questions de société et nécessitent une approche pluridisciplinaire intégrant certes les flux de transports, mais aussi la géographie, l’histoire, l’économie et la psychologie, la sociologie, l’aménagement et l’urbanisme. Cette approche holistique permet de poser des diagnostics objectivés et fiables et en conséquence, des solutions adaptées aux situations et territoires. Les conditions du report modal, les liens entre villes moyennes, avec les métropoles, les structures économiques territoriales, les évolutions sociétales et aspirations des Français, l’impact des prix de l’énergie, la mobilité dans les QPV, l’efficience des transports publics et leur nécessaire optimisation, la gouvernance des mobilités et de l’aménagement, la géographie de l’occupation des lieux, le financement de la mobilité et la tarification, les questions de justice et donc de démocratie, …. autant de sujets au cœur de la compréhension des mobilités qu’il faut éclairer pour construire des solutions opérantes, acceptables et finançables.

Schéma comprendre les mobilités

C’est l’objet de GeoNexio qui rassemble autour de Transdev, opérateur de transport public, des académiques de différentes disciplines, des instituts explorant les tendances sociétales et les comportements afin d’éclairer la décision par des analyses basées sur une approche globale des mobilités et des mises en œuvre sur le terrain.

Nous publierons régulièrement les études et travaux réalisés, avec des évènements dans toute la France pour partager nos réflexions et tirer parti de toute la richesse des réalisations des acteurs territoriaux.