Infrastructure : Sommes-nous capables d’adapter rapidement les infrastructures aux besoins de 2050 ?

Depuis quelques années, la question de l’adaptation des infrastructures de transport s’est imposée comme un enjeu majeur pour les organisations internationales. Cependant, il est urgent de clarifier ces besoins en transport à l’aune des objectifs de lutte contre le changement climatique à horizon 2050. La notion d’adaptation reste ambigüe. Pendant bien trop longtemps, il a été sous-entendu que l’adaptation des réseaux et des systèmes d’infrastructure à une demande de transport croissante signifiait, de manière quasi automatique, une augmentation de la capacité. Comme le soulignent les rapports du GIEC, les inquiétudes se sont multipliées quant aux limites de cette approche conventionnelle de l’adaptation des infrastructures. Il est nécessaire d’aller au-delà de cette compréhension étroite et d’élargir cette perspective pour tenir compte de l’urgence climatique et environnementale. Une vision plus globale permettrait de créer un programme d’adaptation ambitieux, soutenant une approche plurielle des infrastructures de transport, y compris les objectifs de la politique climatique et de justice « sociospatiale ».

 

On distingue trois grandes approches lorsque l’on évoque l’adaptation des infrastructures.*


Une première approche, largement dominante dans le secteur des transports, consiste à relever les défis de l’adaptation en fonction de la demande de transport et de mobilité d’ici 2050. Lorsqu’un réseau de transport connaît une congestion accrue, la réponse typique est d’augmenter la capacité en construisant une nouvelle autoroute, ou encore en développant une nouvelle voie ou une extension d’une infrastructure existante. Il est vrai que de nombreux pays et villes d’Europe (et au-delà !) reconnaissent la nécessité d’investir massivement dans des réseaux et des systèmes d’infrastructure durables. L’abandon de la mobilité axée sur la voiture nécessite le développement d’alternatives durables solides, à savoir les chemins de fer et les réseaux de transport public, de vélo et autres. En Europe, les débats récents mettent l’accent sur les services de trains de nuit, le développement d’un réseau transeuropéen de transport (RTE-T) cyclable et l’achèvement du réseau ferroviaire RTE-T, par exemple la ligne à grande vitesse en Lisbonne et Porto, au Portugal. Une attention particulière est également accordée, dans toute l’Union européenne, au besoin d’accroître la capacité au-delà des grandes zones urbaines et des routes principales. A titre d’exemple, en Lituanie, les objectifs fixés dans le cadre du plan national de résilience et de redressement visent à moderniser et à étendre les réseaux d’infrastructures dans les villes secondaires, et ce en accordant la priorité aux solutions de transport durables, notamment les transports publics, le vélo et la marche.


Une approche légèrement différente vise à augmenter la capacité en optimisant les réseaux et les infrastructures existants. Dans ce contexte, l’adaptation s’inscrit dans le cadre des débats sur la maintenance, la digitalisation et la gestion des flux. Ainsi, des efforts considérables ont été fait pour améliorer l’analyse des données afin d’obtenir une vue d’ensemble précise et dynamique sur les besoins de mobilité, le cadre réglementaire a été adapté dans ce sens. De même, de nombreuses ressources ont été allouées au déploiement de technologies intelligentes dans les réseaux de transport afin de gérer les flux de transport.


Une troisième approche, insuffisamment abordée à ce jour, consiste à adapter les réseaux d’infrastructures dans le cadre de la politique climatique. Il devient urgent de repenser la gestion des infrastructures en tenant compte des limites planétaires et des objectifs d’émission de carbone fixés dans le cadre de l’accord de Paris pour 2050. Cela a suscité de nouveaux efforts pour sortir progressivement de la logique « Prévoir et Fournir » et la remplacer par une approche de rétrocontrôle. Plutôt que d’encadrer les débats sur les demandes de transport en fonction des contraintes actuelles, il s’agit de partir des objectifs visés et de remonter jusqu’au présent. Il s’agit d’une opportunité sans précédent pour développer une approche plus holistique de l’adaptation des infrastructures, de revoir les données du problème à l’aune des objectifs climatiques et d’examiner des solutions y compris en dehors du secteur des transports, par exemple des mesures visant à la réaffectation de l’espace, des réformes de gouvernance et des processus décisionnels davantage participatifs.


Ces trois approches s’excluent-elles mutuellement ? Certes, elles ont toutes des implications financières différentes et leurs objectifs ne sont pas toujours compatibles. Tout en reconnaissant qu’il n’existe pas de réponse unique et universelle, les pays de l’UE devraient néanmoins adopter une approche plurielle afin de mettre en avant les enjeux climatiques et éco-sociaux. Alors que les événements climatiques extrêmes menacent les réseaux d’infrastructures, les préoccupations liées au changement climatique ne peuvent pas, et ne doivent pas, être sous-estimées dans la prise de décision.

 

*Cet article s’appuie sur les résultats d’une recherche financée par l’Union européenne (programme Horizon 2020), dans le cadre du projet MORE (convention de subvention n° 769276) et du projet CIVITAS SUMP PLUS (subvention n° 814881). Ce document reflète uniquement le point de vue de l’auteur et la Commission n’est pas responsable de l’utilisation qui pourrait être faite des informations qu’il contient.