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« La mobilité du quotidien est la priorité absolue » : entretien avec Thierry Mallet, PDG du groupe Transdev

  • Thierry Mallet

    Thierry Mallet

    PDG du groupe Transdev

28 Octobre 2025

The Mobility Times : Pourquoi la mobilité dans les zones rurales et en périphérie des grandes villes est-elle une priorité pour vous ?

Thierry Mallet : Aujourd’hui, le sujet principal n’est pas vraiment les centres-villes, où nous avons développé un système très efficace. La priorité est de se concentrer sur les périphéries, les banlieues et surtout les zones rurales autour des grandes agglomérations.

En France, 50 % de la population vit dans des zones à faible densité, mais elle se déplace vers des zones à forte densité, et la seule solution pour ces déplacements est la voiture.

Mais beaucoup de gens n’ont pas de voiture. 25 % des Français ont dû refuser une offre d’emploi ou une formation, car ils ne pouvaient pas se rendre sur le lieu de travail ou de formation.

Il est donc clairement prioritaire de développer des alternatives à la voiture dans ces zones. Cela peut être le train, dès qu’il y a plus de 5 000 personnes le long d’une ligne ou vers une destination donnée. Sinon, on peut utiliser des lignes express en autocar, ou le covoiturage.

Donc, vous dites que l’avenir de la mobilité repose sur des facteurs sociaux ?

Pour moi, la priorité des transports publics en général n’est pas le changement climatique. Cela a toujours été la cohésion sociale.

Clairement, les transports publics sont une nécessité, car on ne peut pas déplacer les gens uniquement en voiture dans une ville comme Paris. Il faut du transport de masse.

En périphérie, aujourd’hui, on peut utiliser la voiture. Mais la voiture est très chère, beaucoup de gens ne peuvent pas se la permettre. Pour ces personnes, il faut développer d’autres solutions.

Dans un pays comme la France, environ un quart de la population, soit 15 millions de personnes, est considérée comme étant en difficulté en matière de mobilité. Et nous devons leur offrir des alternatives à la voiture pour qu’ils puissent trouver un emploi, se rendre au travail, accéder à une formation ou à des services essentiels comme les soins de santé.

La mobilité ne consiste pas simplement à se déplacer. Il s’agit de se déplacer pour faire quelque chose. Et cela est très important. Cette question de cohésion est une priorité absolue. Si on le fait bien, on décarbonera la mobilité. Car en partageant les ressources — voitures, trains, autocars — on réduit toujours son empreinte.

La mobilité électrique est-elle la clé d’un avenir durable ?

La mobilité électrique ne doit pas freiner l’expansion de l’offre de transport. Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est d’abord plus de mobilité partagée, et ensuite nous pourrons la rendre plus durable. Par exemple, pour les trajets en autocar, on obtient 80 % des bénéfices en termes de décarbonation même avec un autocar diesel, et 100 % avec un autocar électrique. Nous passerons aux solutions électriques lorsqu’elles seront accessibles à tous à un prix raisonnable.

Quelles sont vos idées pour financer l’expansion de la mobilité ?

Elle peut être financée d’abord, bien sûr, par les pouvoirs publics. Il faut probablement davantage de financements prioritaires, non pas dans les grandes villes, mais en périphérie, dans les banlieues, dans les zones rurales. Tous les efforts doivent se concentrer sur la mobilité du quotidien, car c’est là que nous avons une urgence en matière de cohésion sociale.

Ensuite, nous devons aussi utiliser les tarifs. On peut demander aux gens de payer davantage, car il y a un grand bénéfice à pouvoir abandonner sa voiture et prendre les transports publics à la place. Aujourd’hui, beaucoup de gens ne peuvent pas abandonner leur voiture car il n’y a pas d’alternative proposée. En même temps, avec des tarifs réduits, on peut protéger les personnes en difficulté.

Presque personne ne refuse de prendre les transports publics parce qu’ils sont trop chers. En augmentant les tarifs, on peut offrir un meilleur service à plus de gens, ce qui est une priorité absolue.

Donc, la mobilité du quotidien est la clé de l’avenir ?

Pour moi, c’est la priorité absolue. La mobilité longue distance est importante, mais aujourd’hui la priorité, c’est la mobilité de courte distance. C’est la mobilité du quotidien.