Interview

Cécile Maisonneuve: Found In Translation

27 Octobre 2025

The Mobility Times rencontre Cécile Maisonneuve, experte de la transition climatique, qui bâtit des ponts entre la science, l’industrie et les services publics – en mobilisant des compétences d’interprétation issues de sa passion précoce pour la traduction.

 

Avant de devenir une experte internationale de l’innovation urbaine, de l’énergie et des politiques publiques, Cécile Maisonneuve rêvait de faire de la traduction son métier, forte de solides compétences en latin et en grec ancien.

« J’aime les langues, j’aime la grammaire, et je voulais être traductrice », a-t-elle confié à The Mobility Times après une conférence Mobility Sphere à Paris en septembre, où elle intervenait comme panéliste.

Mais au lieu de naviguer entre les langues, sa carrière éclectique l’a menée de la fonction publique en France vers l’industrie privée et le conseil stratégique, notamment dans le domaine de la transition énergétique.

« Ce n’était pas une carrière planifiée, mais ce que j’essaie toujours de faire, c’est de traduire : le langage et l’état d’esprit des ingénieurs en termes politiques et économiques, quand je discute avec des décideurs de ce qu’il faut faire pour la mobilité », explique-t-elle. « Souvent, si rien n’est fait, c’est aussi parce que les gens pensent se comprendre, mais ce n’est pas le cas. »

Le secteur des transports doit être « fortement impliqué » dans la transition climatique, affirme Maisonneuve.
« Les émissions liées aux transports sont l’une des principales sources de CO₂. Il faut donc les réduire. »

Et il y a de bonnes raisons de faire confiance aux experts du transport public. « Ils savent où et combien investir, car ils connaissent les territoires où ils opèrent », dit-elle.

« Mais avec quel argent ? », interroge Maisonneuve, allant droit au cœur du thème de la conférence parisienne. « C’est, je pense, la question la plus délicate que nous avons en Europe aujourd’hui pour financer la transition énergétique. »

Le contribuable doit-il financer la transition de la mobilité en Europe ? Ou l’usager final ? Au-delà de ces débats « très politiques », Maisonneuve propose une autre piste prometteuse : mobiliser les immenses ressources combinées des épargnants et investisseurs particuliers européens.

« Un investisseur n’est pas forcément un grand fonds. Cela peut être vous ou moi », dit-elle. « Il faut mobiliser cette épargne pour que chaque Européen puisse dire : j’investis dans des entreprises européennes qui œuvrent pour la transition énergétique. Cela renforcerait aussi l’acceptabilité publique du financement de cette transition. »

La gestion de cette dynamique pourrait être assurée par les États, mais idéalement par l’Union européenne, « qui est une institution très puissante pour mobiliser des financements publics », ajoute-t-elle, en évoquant aussi un rôle possible pour la Banque européenne d’investissement et la Banque centrale européenne.

« Ce serait une alliance entre les métropoles, les territoires, les États et les institutions européennes. »

Pour Maisonneuve, deux enjeux majeurs se détachent dans le débat sur l’avenir de la mobilité : l’intermodalité et les besoins des villes, des zones périurbaines et rurales, qui sont rarement alignés.

« L’intermodalité est la clé d’une transition énergétique efficace et pragmatique », affirme-t-elle. « En Europe, nous avons déjà la chance de disposer d’infrastructures de transport très performantes. »

Cela inclut les réseaux ferroviaires, routiers et les pôles d’échange, qui permettent de passer rapidement d’un mode de transport à un autre.

« C’est une évidence, car ces infrastructures existent déjà », dit-elle.

Mais elles ne sont pas réparties équitablement. « Beaucoup d’Européens vivent en dehors des centres urbains denses, et il faut leur proposer des solutions pour rejoindre ces centres, que ce soit pour travailler, se former ou se divertir », souligne-t-elle.

Cela nécessite « un haut niveau de coopération entre les différentes parties prenantes », qu’elles soient politiques, industrielles ou financières.

« L’argent public est devenu une ressource rare. Il faut l’utiliser intelligemment, pour que chaque euro ait le plus grand impact possible en matière de réduction des émissions et de lutte contre le changement climatique », conclut-elle.

Et pour financer l’avenir ? « Il faut considérer les Européens non seulement comme des citoyens, ou comme membres d’un modèle social, mais aussi comme des investisseurs, des investisseurs avisés, avec beaucoup d’épargne. »

Un conseil pour les Européens qui souhaitent s’engager davantage dans la transition climatique ?

« Il faut être patient. C’est un marathon, pas un sprint ».